La consigne pour réduire les déchets ?

6 septembre 2023

consigne

C’était une espèce en voie de disparition depuis la fin des années 80. Entre réindustrialisation et essor des circuits courts, la consigne retrouve aujourd’hui un nouveau souffle. Un retour qui est loin d’être un long fleuve tranquille malgré une demande en hausse et qui pose de nouvelles questions.

Le 22 juin 2023, le Gouvernement annonçait le retour de la consigne du verre. Une mesure qui intervient dans un plan plus large qui vise à améliorer la collecte et le recyclage des emballages et des déchets ménagers. Selon l’ADEME, 5 millions de tonnes de déchets ménagers sont jetés chaque année en France. « Le verre représente la moitié de ce tonnage » explique Lisa Tichané, coordinatrice de filière chez l’Incassable, projet membre du réseau France Consigne.

De la consigne au réemploi, il n’y a qu’un pas

« La consigne, c’est le fait d’échanger un contenant contre une participation financière. Si vous ramenez le contenant, la consigne vous est rendue » explique Sophie Graziani-Roth, Responsable communication, partenariats et points de collecte au sein de Oc’Consigne. C’est ici que le flou opère. Car si tous les contenants peuvent se consigner, ils ne sont pas forcément tous destinés à être réemployés. « Dans certains magasins, on voit des machines qui vous donnent de l’argent si vous ramenez vos emballages. Elles ont été mises là pour inciter les gens à trier leurs déchets. Mais ces emballages partent ensuite au recyclage. Ça peut porter à confusion pour des personnes qui pensent faire un vrai geste écologique » ajoute-t-elle.

Sauf que l’objectif, ici, c’est bien celui du réemploi : 5 % d’emballages réemployés qui sont mis sur le marché en France en 2023 et 10 % en 2027. La question se pose alors : qu’est-ce que le réemploi a de plus durable que la simple « consigne » ?

La consigne, un coût environnemental net zéro

« Une bouteille en verre, quand elle est recyclée, elle est d’abord broyée, puis refondue à 1500 degrés dans un four pendant 24 h, pour qu’elle puisse redevenir une bouteille qui sera potentiellement exactement la même » expliqueLisa Tichané, coordinatrice de filière chez l’Incassable, projet membre du réseau France Consigne. Selon une étude publiée par l’ADEME, le réemploi des bouteilles permettra d’économiser 69 % d’énergie et 77 % d’émissions de GES. C’est également une réduction massive de l’extraction de ressources. « Quand vous recyclez une bouteille en verre, il faut réinjecter 54 % de sable pour faire une nouvelle bouteille. Dans une bouteille neuve, on est à 100 % de sable injecté. Avec le réemploi, l’utilisation de sable tombe à 0 % » souligne Sophie Graziani-Roth, responsable communication, partenariats et points de collecte au sein de Oc’Consigne. Selon l’UNPE, le sable est la deuxième ressource la plus exploitée sur Terre, après l’eau. Quant aux sceptiques qui s’interrogeraient sur la quantité d’eau nécessaire au lavage des contenants en cette période de sècheresse, l’ADEME souligne qu’elle est malgré tout 50 % inférieure à celle utilisée pour le recyclage. À partir de 2 utilisations, le contenant réemployé aurait systématiquement un avantage sur les mêmes contenants à usage unique, quand bien même recyclé. Le réemploi devient donc une solution intéressante et viable, à un détail près.

Une filière à réinventer

La disparition de la consigne à la fin des années 80 a signé la disparition de toute la filière. « Jusqu’il y a 3 ans, il n’existait plus aucune usine de lavage en France » explique Lisa Tichané, Coordinatrice de filières chez l’Incassable. Il a donc fallu réinventer une filière complète. « Il faut recréer le circuit de collecte, trouver les investissements pour la construction des usines, relancer le processus industriel » ajoute-t-elle. Aujourd’hui, la France compte 4 usines de lavage pour 10 opérateurs de réemploi collaborant autour du réseau France Consigne. « Pour le moment, on ne travaille que sur le réemploi des bouteilles en verre parce que ça demande du temps pour tout remettre en place » explique Lisa Tichané. Un constat partagé par Sophie Graziani-Roth, responsable communication, partenariats et points de collecte au sein de Oc’Consigne « Ce qu’il faut savoir, c’est que les machines de lavages ne seront pas les mêmes, si c’est une bouteille ou un pot, par exemple. Donc il faut pouvoir mettre en place tous ces processus », complète Lisa Tichané, coordinatrice de filière chez l’Incassable.

Les indispensables pour une consigne efficace

Le réemploi est vanté pour son impact environnemental incomparable, à la condition qu’il respecte des règles claires. Pour pouvoir être réemployé utilement, le contenant doit être robuste, lavable, fabriqué avec des matériaux suffisamment éco-conçus et recyclables. Il doit être pratique et respecter les règles d’hygiène. Vient ensuite la l’importance d’un circuit court. Par définition, il s’agit selon l’ADEME, de garantir un périmètre de moins de 200 km entre la collecte, le lavage et la réintroduction dans le système. Un circuit court qu’il n’est possible de respecter qu’avec la standardisation des contenants, selon des organismes comme Citéo ou France Consigne. « Prenons une bouteille de vin produite dans le nord de la France, mais vendu à Marseille, par exemple. Pour un bilan énergétique raisonnable, il faut qu’elle puisse être lavée là où elle est collectée puis renvoyée à un producteur du coin. Sinon, ça n’a pas de sens. C’est pour ça, qu’on travaille en collaboration avec les acteurs des autres régions, pour avoir les mêmes standards » confirme Lisa Tichané de l’Incassable. « On souhaite proposer un panel d’une dizaine de modèles maximum, par type de contenant, qui s’adaptent à toutes les utilisations et soient interchangeables » explique Sophie Graziani-Roth de Oc’Consigne. « Mais ça passe aussi par de la sensibilisation auprès des producteurs pour qu’ils utilisent de la colle à étiquette qui peut partir au lavage, avec des encres plus naturelles » ajoute-t-elle. Une standardisation qui implique une évolution des pratiques marketing pour réduire l’utilisation du packaging différenciant. Il restait à convaincre de son intérêt économique.

Le coût économique, dernier frein à lever

La question du coût de la consigne est déterminante. C’est ce qui avait marqué son déclin dans les années 80 au profit du plastique. Mais la guerre en Ukraine aura rebattu les cartes. D’un côté, le prix des énergies, de l’autre celui des matières premières ont bondi de + 60 % par rapport à 2021. Des augmentations qui ont engendré une hausse inévitable du prix des bouteilles neuves. Et de l’autre, l’arrêt de plusieurs usines de verre ukrainiennes a provoqué des ruptures d’approvisionnement, mettant en lumière la dépendance de la France à l’égard de fabricants d’Europe de l’Est. Face à cette escalade de crises, les producteurs n’ont alors pas eu d’autres choix que de se tourner vers une alternative accessible et durable, les bouteilles réemployées. « Ils ont aussi compris que c’était dans leur intérêt. Le grand public est de plus en plus sensibilisé. Ça impacte, de fait, les choix de consommation », ajoute Lisa Tichané.

Si les ménages sont de plus en plus sensibilisés, le travail est encore long surtout en cette période où l’inflation est omniprésente. Pour autant, la consigne pourrait réussir à tirer son épingle du jeu surtout face à l’augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (9,90 % à 11,65 % en 2023) et une hausse du coût du recyclage (35 euros la tonne en moyenne). Reste encore à convaincre les distributeurs « Si les producteurs ont une obligation de 5 % à 10 % de bouteilles réemployées, du côté des distributeurs il n’y a aucune obligation. En plus, ça leur impose des coûts et de la logistique supplémentaire. Ça demande un effort de leur part. Donc c’est plus compliqué de les sensibiliser » explique Sophie Graziani-Roth de Oc’Consigne.

Le tout réemploi, une bonne idée ?

La question du réemploi d’emballages tels que le plastique est en concertation au Ministère de la Transition écologique depuis le 30 janvier. Elle devait initialement être débattue en juin, a finalement été repoussée à fin septembre. La raison de cette hésitation ? Si les lobbies de la grande distribution et du pétrole, la soutiennent, la majorité des sénateurs y sont opposés. La « fausse consigne », comme ces derniers la nomme, aurait pour tord de servir le recyclage et non le réemploi. Et les sénateurs ne sont pas les seuls à s’y opposer. « On n’y est pas du tout favorable. Ça ne règle pas le problème et ça peut même l’accentuer » explique Sophie Graziani-Roth de Oc’Consigne, membre du réseau France Consigne.

C’est également le constat d’une étude sortie en 2018 en Allemagne à la suite de la mise en place du réemploi de contenants plastiques pour les boissons. L’objectif était alors de réduire la part des bouteilles à usage unique à 20 %. Pourtant, c’est l’effet inverse qui a eu lieu. L’utilisation est passée de 40 % en 2003 à 71 % en 2018. Une hausse de l’usage unique qui s’est fait au détriment du réemploi. Sur la même période, la part de marché dédié aux bouteilles réutilisées était passée de 58 % à seulement 24 %. Un effet paradoxal qui s’explique par le fait que les producteurs et distributeurs n’avait aucune obligation d’utiliser des contenants réemployables. Ils ont alors fait le choix du plastique recyclé, ce dernier étant bien moins cher. Seulement voilà, le recyclage du plastique a non seulement une empreinte environnementale moins avantageuse que le réemploi, mais en plus, il n’est pas infini. Au fil de ses transformations, le plastique perd en qualité et sa part recyclable diminue. C’est ce qu’on appelle, le « décyclage ».

Si la consigne destinée au recyclage n’est pas la solution idéale, le réemploi d’autres matériaux que le verre, notamment pour d’autres types d’usages que l’alimentaire, peut cependant apporter une vraie solution. C’est en tout cas ce que pense Pierre Veron, fondateur du jouet simple « On travaille sur des jouets d’éveil donc de 0 à 4 ans. Ce sont des jouets qui ont une durée de vie très courte en temps normal. Là, les parents payent une consigne de 5 euros qui leur est rendue quand ils nous renvoient le jouet. Ça garde le jouet beaucoup plus longtemps dans le système ». En fonction de l’état du jouet rendu, l’entreprise le répare pour le réintroduire en « seconde main » ou alors l’envoie au recyclage.

Un cercle vertueux qui nécessite de respecter certaines règles. « L’objet doit être solide et éco-conçu. C’est-à-dire qu’il doit être fait avec une seule matière, nous on utilise le PEHD recyclé. Ça nous garantit qu’il pourra être recyclé facilement à la fin de son cycle de réemploi».

Selon l’ADEME, plus de 7 français sur 10 se disent aujourd’hui prêts à acheter un produit consigné même si cela doit coûter plus cher. Un changement des comportements de consommation qui a favorisé le développement de la consigne. Le marché du réemploi en France, pèse aujourd’hui plus d’un milliard d’euros. Il s’intègre dans un mouvement plus large qui compte de plus en plus d’adeptes : le zéro déchet.

Retrouvez l'ensemble des solutions de consignes ici

Et pour d’autres solutions, c’est par ici https://climat.ai

Retour aux articles