Les matériaux biosourcés cassent les codes du bâtiment

7 juillet 2023

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Diminuer de 60% l’impact environnemental du bâtiment, c’est l’objectif fixé par la Commission européenne pour 2030. Un défi de taille qui se heurte à un besoin croissant de logements et d’infrastructures. Dans cette quête d’une approche plus durable, les matériaux biosourcés pourraient bien tirer leur épingle du jeu.

« On récupère les blue jeans et les velours très abîmés qui sont déposés en points Le Relais. Ensuite, on les défibre, on les traite avec de l’eau et du sel d’ammonium et un traitement antifongique, les deux à très petite dose. Cette matière première, une fois séchée, on la transforme en isolant », détaille Stéphane Bailly. Cette innovation, il y travaille avec l’équipe de Métisse, entreprise pour laquelle il est le référent technique. Un isolant certes, mais surtout une solution pour réduire l’impact environnemental du secteur du bâtiment.

Selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le secteur du bâtiment représente 43% de la consommation annuelle d’énergie et 23% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. Déclaré « chantier du siècle » par la Commission européenne comme par l’État français, c’est aussi un terrain propice à l’innovation. Pour l’institut de recherche INRAE, les matériaux biosourcés, seraient une solution prometteuse pour répondre aux enjeux actuels.

Dans la famille des matériaux biosourcés, je voudrais…

Les matériaux biosourcés les plus connus sont le bois, le chanvre, la paille, le liège, la laine de mouton ou la cellulose. On peut également y inclure les matériaux issus du recyclage. Le matériau est cependant considéré comme biosourcé, à la condition qu’il provienne, à l’origine, d’une filière agricole ou de la sylviculture (culture du bois). Certaines entreprises ont cependant misé sur des sources plus surprenantes. Comme Algo Paint, qui produit une peinture à base d’algues « Mon enjeu, c’était d’arrêter la pétrochimie. Et on s’est rendu compte qu’on avait l’avantage en étant à Rennes de pouvoir valoriser une matière première à la fois écologique et locale. Et en plus, on pouvait le faire en incluant des personnes atteintes de handicap » explique Stéphane Bouillon, président fondateur de Algo Paint.

Au-delà de son empreinte environnementale propre, l’utilisation de matériaux biosourcés peut cependant avoir des conséquences annexes. L’augmentation de leur utilisation entraîne une compétition industrielle pour ces ressources. Une concurrence accrue qui favorise certaines dérives comme une augmentation de la déforestation, l’utilisation massive de pesticides, une surconsommation d’eau, etc. Choisir un matériau biosourcé implique donc aujourd’hui de prendre en&ézed compte l’intégralité de sa chaîne d’approvisionnement.

50 nuances de matériaux biosourcés dans le bâtiment

Les matériaux biosourcés ou biomatériaux se déclinent ensuite à l’infini, ou presque, dans le secteur du bâtiment. Béton bas carbone, briques, isolant à base de fibres recyclées. « On les retrouve à la fois dans la construction d’infrastructures neuves ou dans le cadre de la rénovation de bâtiments » nous explique Yann Lefeuvre directeur scientifique de Sitowee, une entreprise spécialisée dans l’étude de la performance environnementale et financière des bâtiments. Des biomatériaux aux propriétés intéressantes, surtout quand on sait que le bâtiment doit atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le biosourcé, une solution aux multiples avantages

Contrairement aux matériaux traditionnels à base de combustibles fossiles, les matériaux issus de sources renouvelables absorbent du CO2 tout au long de leur croissance. Ils en rejettent également moins au moment de leur transformation. Mais, ce n’est pas le seul avantage.

Outre leur impact environnemental positif, ils offrent une performance technique incomparable. Une étude menée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en France a montré que l’utilisation de matériaux biosourcés dans la construction permettrait, souvent, une réduction de 20% à 50% de la consommation d’énergie, par rapport aux matériaux conventionnels. « C’est ce que l’on appelle le déphasage. Avec les biomatériaux, la climatisation se fait toute seule et la chaleur est stockée pour être redistribuée plus tard. La température se régule naturellement aux alentours des 18 et 19 degrés, contrairement aux matériaux d’origine minérale », explique Stéphane Bailly, référent technique pour Métisse. Une thermorégulation qui varie en fonction du type de biomatériaux utilisés. Un avantage auquel s’ajoutent souvent un fort pouvoir acoustique et une capacité à réguler l’humidité, ce qui favorise une meilleure qualité de l’air.

Pour l’ADEME, utiliser ces matériaux d’origines naturelles permettrait de réduire de 30% à 50% la production des déchets de construction. Un pourcentage qui pourrait diminuer encore davantage avec l’utilisation de biomatériaux issus du recyclage de déchets déjà existants.

Le coût dans le viseur des biomatériaux

C’est l’un des principaux freins pour les entreprises du bâtiment. « C’est vrai que les biomatériaux sont plus chers. En moyenne, on est à 15% d’écart avec les matériaux issus de sources minérales », confirme Stéphane Bailly, référent technique pour Métisse. « Il faut prendre en compte le fait que ce type de matériaux nécessite des filières de récolte et de traitement, donc ça créé de l’emploi. Ce sont des processus industriels qui ne sont pas délocalisables. Donc, ça a un coût ». Un écart entre coûts des matières minérales et des matières d’origines naturelles, qui a diminué de 45% avec l’augmentation du coût des énergies. « Cependant, il faut surtout prendre en compte le calcul dynamique pour savoir ce que ça nous coûte vraiment », ajoute Stéphane Bailly. C’est également le résultat d’une étude menée par le Cerema. Si le prix d’achat est supérieur, le coût global d’exploitation des bâtiments (entretien, durabilité des matériaux, consommation d’énergie, etc.) est largement inférieur avec des matériaux biosourcés.

La réglementation et l’administration, entre tremplin et frein

En 2019, la part des matériaux biosourcés représentait 8% à 10% du marché des matériaux de construction. Depuis quatre ans, cette part augmente de 15% à 20% par an. Une progression lente, voire trop lente, pour Yann Lefeuvre, directeur de recherche chez Sitowee. « Quand une entreprise vient avec une solution. Entre le moment où elle la dépose sur la table et le moment où celle-ci est commercialisée à grande échelle, il se passe parfois plusieurs années ».

Pour Stéphane Bailly, c’est un manque de vision de la part des autorités « Au niveau de la RE2020, par exemple, la thermodynamique n’est pas prise en compte dans le calcul des notations des matériaux. Le fait que les matériaux minéraux auront une moins bonne résistance, en été, face aux fortes chaleurs, ce n’est pas pris en compte ».

Une réglementation qui peut aussi servir de tremplin. « Il y a un projet européen qui vient d’entrer en discussion au 1ᵉʳ juin 2023, sur la question de l’économie circulaire dans le secteur du bâtiment » affirme Yann Lefeuvre, directeur de recherche à Sitowee. Avec le durcissement des réglementations à l’échelle européenne et la promotion du bâtiment bas carbone, les acteurs vont devoir s’adapter. Une évolution où les matériaux biosourcés pourraient bien faire la différence.

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